Le terme "é-criture" désigne toute écriture qui est
réalisée spécifiquement avec un ordinateur, et qui ne pourrait être mise en
oeuvre, ni visionnée d'une autre façon. Pour pouvoir la pratiquer, il faut
disposer d'un ordinateur et d'un certain nombre de logiciels. Cela pourrait
sembler la réserver à quelques spécialistes chevronnés, et en faire une pratique
élitiste, sinon ésotérique. Pourtant, c'est une écriture que n'importe qui,
même un non-informaticien peut pratiquer.
J'ai touché le premier ordinateur de ma vie en Février 1999, à 40 ans passés
. Jusque là, ces instruments ne m'avaient jamais intéressé. Le seul appareil
électrique que j'employais pour écrire, c'était une Olympia Carrera. C'est
dire si j'avais manifesté peu d'intérêt pour tout ce qui pouvait toucher à
l'écriture avec ordinateur. Ecrire, pour moi, c'était toujours prendre un
stylo dans une main, et passer des heures sur une page blanche, en espérant
qu'il en sortirait quelque chose. Il a fallu un stage professionnel dont le
but était d'apprendre à des chômeurs la fabrication de sites Internet pour
que j'approche cet outil.
Je ne suis pas devenu créateur de sites Internet, et peut-être est-ce un bien
pour mes (non)-clients. Par contre, je me suis beaucoup penché sur l'écriture
avec/sur ordinateur. Car avant même que ce stage ne finisse, j'avais entrevu
tout l'intérêt des logiciels de création de sites, et de traitement des images.
Si l'on pouvait si facilement mettre en page de jolies photos accompagnées
de textes sympathiques pour vendre du foie gras, des guêpières en soie sauvage,
ou pour réserver une semaine de canoë-Kayak dans la haute vallée de l'Aragon,
pourquoi ne pourrait-on aussi écrire tout autre chose, en l'accompagnant d'images
ou d'animations. Me voyant commencer ce travail, mes collègues de stage se
demandaient ce que j'étais en train de faire. Je ne le savais pas moi-même
très bien.....
Pourtant cette écriture allait me permettre de refermer une parenthèse laissée
ouverte pendant 20 ans, quand je peignais des cartons qui mêlaient du texte
et de l'image. Pouvoir reprendre ce travail là-même où je l'avais laissé fut
un étonnement pour moi. Pour résumer, il s'agissait, alors et maintenant,
de se greffer sur la réflexion de Platon, dans le Cratyle, qui s'interroge
sur l'origine des mots. Sont-ils l'essence de la chose, ou sont-ils pur arbitraire.
Je n'ai apporté aucun élément à ce débat. Là n'était pas mon but. Et certainement
même ai-je construit ma première oe¦uvre sur un contresens. Peu importe. Platon
me pardonnera. Si je lui ai demandé de me tenir la main, pour ce geste inaugural,
c'est qu'il a bien souvent posé la question des origines- de la perception,
de l'amour, du langage. Quoi de plus logique que de le solliciter pour commencer
une aventure.
D'autre part, peut-être n'est-il pas indifférent de constater que l'écriture
alphabétique a êté inventée, par la civilisation grecque justement, à peine
quelques siècles avant Platon. Ce serait certainement une interprétation tendancieuse
que de voir dans son questionnement une nostalgie, déjà, de cette origine
de l'écriture où elle procède encore d'un geste divinatoire - avant de se
plier à la rationalisation de l'alphabet...
"10 poèmes en 4 dimensions" a êté conçu comme une mise en oeuvre pratique
de ce questionnement. Avec le logiciel bien connu des spécialistes, DreamWeaver,
j'ai mélangé du texte et de l'image, j'ai "programmé" des comportements, j'ai
tenté de retrouver ce moment où le dessin et la graphie ne faisaient qu'un,
ce moment où la désignation de la chose valait aussi bien au niveau réel que
symbolique, religieux.... J'ai poussé aussi loin que je le pouvais cette réflexion.
En partant du pléonasme - qui consisterait à écrire le mot "bleu" en bleu
- jusqu'à sa dénonciation - pour bien montrer que jamais plus jamais les mots
ne pourront dire toute la chose, quand bien même ils seraient animés des meilleures
intentions- le spectre est assez large pour générer dix pages web. Ainsi je
suis entré en é-criture. Les outils, merveilleux de simplicité, dont je me
suis servi, sont nés avec l'Internet. Et c'est je crois ce qui me différencie
de tout un courant d'écriture sur ordinateur.
L'ordinateur ne m'intéressait pas, et il ne m'intéresse toujours pas davantage.
Je n'y vois qu'un instrument pratique pour écrire différemment, pour mener
une autre réflexion. Sur l'outil lui-même, je m'interroge peu. Les générateurs
de texte, par exemple, ne me concernent pas. Ce qui m'intéresse, c'est l'écriture,
et le partage "en direct" que permet l'Internet. Pas la programmation. Aussi,
et même si les petits logiciels dont je me sers paraissent bien limités, même
si je ressens parfois le spectre de la répétition s'appesantir sur mes pages,
je ne vois pas que la solution, pour moi, soit dans une escalade technique.
Après tout, on continue bien de faire des livres en papier, depuis quelques
siècles déjà. Epuiser totalement cette nouvelle forme en train de naître prendra
bien quelques dizaines d'années ! Si l'on poussait à bout la logique en cours,
si l'Internet accédait au paradis du haut débit, ne se retrouverait-on pas
dans une situation absurde, où l'écran de l'ordinateur se faisant écran de
télévision, l'écriture sur ordinateur se ferait téléfilm. Bien sûr, il y a
une marge. Et si je continue aujourd'hui (Février 2001) de creuser la même
voie dans "Formes libres flottant sur les Ondes", je préparé également une
¦uvre de plus grande ampleur, qui fera appel bien davantage à la notion d'interactivité.
Xavier Malbreil
Publié sur le site www.e-critures.org
Intervention colloque de Rennes2 "Ecritures en
ligne", 26.09.02 Télécharger
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ou lire sur les actes du colloque (à venir).
Analyse du récit/ Serial Letters
Interview manuscrit.com Août 2002
Le Travail de la Forme - Publié dans le magazine Archée
Les formes libres - Communication pour les journées d'étude (15-16-17 mai 2002) de Paris VIII
Comment j'ai découvert l'é-criture - Publié sur www.e-critures.org
Pourquoi je suis jaloux de Pikachu - Publié sur www.agraph.org
Interview pour www.manuscrit.com
Comment j'ai découvert l'é-criture
par Xavier Malbreil