Mercredi 31 Juillet
Bientôt, les enfants vont repartir chez leur mère, je vais me
retrouver seul.
Le travail sur Le Chateau de Bolkhor va pouvoir commencer.
Une envie tiède de le faire...
Pourquoi, je ne sais pas.
Jeudi 17 Octobre 2002
Finalement, je n'ai pas écrit le Château de Bolkhor pendant
cet été.
Pour de multiples raisons, dont la principale peut-être est l'absence
d'éditeur.
Fin de l'écriture littéraire, jusqu'à nouvel ordre, c'est-à-dire
la rencontre d'un éditeur...
Jeudi 17 Octobre
Une chose sur laquelle je voudrais m'arrêter un peu, c'est le sens
du mot "virtuel".
A force de le lire et de l'entendre un peu partout, je commençais à ne plus
savoir ce qu'il voulait dire. La plupart du temps, quand il désigne les technologies
du numérique, les jeux, les univers générés artificiellement, etc, il signifie
"pas totalement vrai, labile, fugace, instable, voir inexistant", puis, pour
cause de cassage de gueule de la net-économie, il arrive très vite à signifier
"illusoire, faux, chausse-trappe, attrape-couillon".
Or, pour moi, ce qui est virtuel n'étant pas forcément synonyme d'inexistant,
et encore moins de piège à bredin, je n'arrivais plus à cerner la réalité
de ce que l'on désignait, et pourquoi ce mot semblait porter sur ses épaules
tous les défauts du monde.
Donc, un petit détour par le dictionnaire étymologique plus tard, je me rends
compte que "virtuel" vient du latin virtus, virtutis, vaillance, force physique,
et par-delà, "vir", l'homme, qui a donné également vertu. Quel
rapport avec le "virtuel" que l'on connaît? Il faut en passer par l'ancien
français, et le sens attesté au XII°, de "pratique habituelle d'un
bien", puis au XIII° "propriété d'une substance".
Le virtuel, pour le restituer dans sa vérité historique, est donc ce qui possède
la qualité d'une substance, sans en posséder nécessairement la jouissance
immédiate, ni la réalité.
Cela ne veut pas dire que ce qui est virtuel est inexistant, loin de là. Le
virtuel, pourrait-on dire, est tellement assuré, tellement "fort", qu'il n'a
pas besoin de se donner dans sa pleine manifestation matérielle. "Virtuel"
signifiant l'état potentiel de la chose, par opposition à son état pleinement
réalisé, retrouverait dès lors une sorte de lustre, que le langage courant,
par malice sinon par vengeance, a voulu à tout prix lui faire perdre.
Quand j'entends maintenant un chroniqueur prononcer ce mot, ou l'écrire, avec
une nuance de mépris pincé, je ne peux m'empêcher de penser à une sorte de
retour du refoulé, d'autant plus qu'il se fait à l'endroit d'un mot qui signifie
dans sa toute première origine la "virilité", et que ce que l'on entend flétrir
a le sens exactement inverse de ce que l'on croit. Virtuel, alors, je veux
bien l'endosser, au titre de la littérature sur écran : restant dans le fragile
moment qui précède la pleine jouissance, cette littérature garderait de ce
suspens indéfini une faiblesse qui serait tout près de la force, et une force
qui se rappelerait toujours de sa possible inanité.
Vendredi 18 Octobre
Comme chaque automne, les pigeons viennent se poser en masse dans le champ,
devant ma fenêtre.
Selon l'année, ils se repaissent de blé, de colza, de maïs
qu'ils glanent avant les labours, au risque de ne plus pouvoir s'envoler.
Cette année, c'était du tournesol.
Dans le soleil parfaitement bleu de cette journée sans nuages, ils
s'envolent tous d'un coup.
Leur ventre blanc se présentant au regard, dans le calme de l'après-midi,
ils pourraient passer pour une nuée de cendres, balayée par
un coup de vent.
Parfois, alors que je ne les ai pas même entendus, le voile qu'ils forment
entre le soleil et le sol m'informe qu'ils passent au-dessus de ma tête.
Le bruit conjugué de leurs ailes vient me le confirmer. Les pigeons,
qu'un mouvement de voitures, un vol de busard, un chat se faufilant au milieu
des ronces, aura affolés, se sont tous, comme un seul courant d'air,
envolés en même temps.
En ville, je les déteste, ce sont comme des rats avec des ailes. A
la campagne, après la récolte, leurs mouvements collectifs me
les feraient presque aimer, qui me rappellent ceux d'une foule - quand c'est
bien ce qui me manquerait le plus.